Ouais... en Russie, au temps de l'URSS, les croquants qui roulaient avec ça à la campagne, c'était ceux qui n'avait pas pu se payer une Moskvitch, une Jigouli (Lada) ou une Zaporoget. Alors ils les faisaient durer. Vu que le super-carburant était rare, voire introuvable en dehors des grandes villes, les moteurs tournaient à l'essence ordinaire et les Oural sortaient d'usine avec des pistons plats, à basse compression... le bas moteur ne s'en portait que mieux, avec un maximum de 25 ch environ.
La qualité de fabrication était aussi assez aléatoire : ce n'était pas l'économie de marché, mais une économie de "plan" : tels volumes devaient sortir d'usine à telle date pour être livrés dans telle région, là où les demandes s'accumulaient ou que les usages avait été identifiés comme nécessaires, le tout décidé par des commissaires au plan chargés de faire produire selon des besoins calculés par des fonctionnaires.
L'usine d'Irbit tournait à plein et faisait vivre tous les prolos du coin, mais sans s'affoler : si une aléseuse à cylindre prenait du jeu et usinait de traviole, ça continuait comme ça tant qu'un chef n'avait pas décidé qu'il fallait intervenir, ou bien tant que les ouvriers n'avaient pas signalé le problème, la solution étant parfois annonciatrice d'autres problèmes.
L'économie capitaliste fonctionne sur le système de l'offre, en concurrence avec les autres fabricants d'un produit équivalent : si le produit est merdique, les clients s'en détournent.
En URSS, y'avait pas de concurrence et la demande était plus importante que l'offre, alors les clients se contentaient de ce qu'ils recevaient, longtemps après la commande initiale... et si il n'étaient pas contents, ils fermaient leur gueule et se démerdait pour finir eux-mêmes ce véhicule qu'ils avaient tant attendu... la plupart du temps, c'était ça ou rien. Et contrairement aux missiles, aux Mig ou aux chiottes de la station Mir, un Oural qui tombe en panne ne se casse pas la gueule depuis l'espace... ça ne va emmerder que le moujik, mais qui s'en soucie ?
Bref, les premières Oural importées en Europe ont souvent été le cauchemar de leurs clients et de l'agent qui leur avait vendu, obligé d'appliquer la garantie, sans parler du boulot de mise en route qui leur fallait faire entre la sortie de caisse et la remise des clefs au client.
Et ce n'était que le début du parcours d'obstacles car une fois en main, montées avec des pistons "export" à plus fort taux de compression et alimentées avec un super-carburant bien sec, la pauvre Oural finissait par exploser son moteur sur nos routes bien plus rapides et roulantes que les chemins creux de la campagne russe pour lesquels elle était prévue.
Et les Dniepr ukrainiennes vendues aux civils dans les années 80-90, c'était pire que tout. Pourtant, à l'époque de Brejnev, les Dniepr étaient surtout destinées à la police et à l'armée et là, la qualité était correcte : faut dire que les pièces étaient frappées d'un poinçon identifiant l'atelier d'où elles sortaient et si y'avait trop de problèmes, ça pouvait être considéré comme du sabotage antirévolutionnaire à la solde des fascistes réactionnaires des capitalistes de l'Ouest... et là, ça ne rigolait plus !