Limobull a écrit :...Jacky, je pensais que le fait d'avoir tenu ta guibole avec une structure porteuse externe allait t'affranchir d'une broche.
Visiblement ce n'est pas le cas. ...
Le fixateur externe ne permet pas que les os se ressoudent solidement : il est juste là pour maintenir en place les parties cassées quand il y a eu déplacement (fracture ouverte) et permet juste une soudure de surface (à la surface de l'os). Le but du fixateur est de permettre une immobilisation externe et temporaire, quand l'os cassé est trop fragile pour être encloué.
Après quelques mois sous fixateur, une fois que les tissus légers sont cicatrisés et que les segments d'os commencent à régénérer leurs fibres osseuses de surface en se liant entre eux, redonnant à l'os complet un léger début de solidité, le fixateur est enlevé et un clou centro-médullaire est posé, généralement depuis le haut, en démontant l'articulation au-dessus (pour le tibia, on démonte le genou).
Le chirurgien orthopédique déplace le ménisque, dégage le plateau tibial après avoir enlevé le cartilage et ensuite, il alèse le tibia avec un alésoir (un os comme le tibia n'est pas vraiment creux comme on le voit dans les os à moëlle ou dans l'osso bucco, il est en réalité fibreux) et quand il a creusé un canal à la bonne cote, il insère un clou centro-médullaire qui sera verrouillé par une vis transversale. Hop !
C'est une peu de la menuiserie... le clou est rentré à coup de masse et la vis transversale qui vient le bloquer dans l'os ressemble à une grosse vis à bois posé à la visseuse électrique. Le patient anesthésié est placé sur une table orthopédique, sorte d'établi qui permet d'immobiliser la jambe suivant l'angle de flexion requis.
Ensuite, le chirurgien remet la rotule du genou en place, il remonte le ménisque, il recoud les tendons, la peau et voilà.
A partir de là, il faut que le patient (qui doit être patient) pose le pied et mette sa jambe "en charge", faut qu'il appuie dessus.. aïe !
C'est seulement avec cette mise en charge que l'ostéosynthèse va se faire et que la fracture va vraiment se ressouder. Cette phase est généralement douloureuse durant plusieurs semaines. Pendant ce temps, le cartilage sur le dessus du tibia sur lequel oscille le genou se régénère naturellement.
La nature est fainéante : sans besoin, elle ne travaille pas. Un os aussi important que le tibia (50% de la sustentation) doit travailler pour se consolider. Le clou centro-médullaire est là pour garantir sa solidité tant que la soudure n'est pas réalisée suffisamment pour retrouver la solidité initiale.
Au début, le patient remarche avec des appuis, deux béquilles, puis une, puis plus du tout. Si tout sa passe bien, le clou centro-médullaire est retiré un à trois ans plus tard.
Là, nouvelle opération de chirurgie orthopédique : le chirurgien redémonte complètement le genoux, il le tire de côté (il a tranché quelques ligaments dans le sens de la fibre pour donner du mou) et pour enlever le clou complètement concrétionné dans le cœur du tibia, il visse un extracteur à inertie dans le filetage en haut du clou qui est creux et, vlan, vlan, vlan, il extraie le clou totalement de sa gangue osseuse. C'est aussi brutal que lors de la pose. Il remonte enfin le genou en remettant tout bien en place, il enlève ses gants en caoutchouc dans un claquement sec et il fait recoudre la viande par ses assistants parce qu'il est pressé, il a un bridge en ville à 17 h avec des collègues.
C'est fini !
C'est passionnant la mécanique humaine, hein ?
Ceci dit les copains, quand vous montez sur votre moto, même pour un très court trajet,
mettez des bottes. Ça n'évitera pas l'accident, ça n'évitera pas non plus une fracture grave si une bagnole vous rentre dedans (le tibia est pile à la hauteur des pare-choc), mais ça amortira mieux que si vous n'en avez pas et ça évitera d'arracher trop de viande au-dessus de la fracture.
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