Serge 60 a écrit :En restant le plus objectif possible, Marco, je n'ai jamais constaté un quelconque handicap relatif à la séparation des cylindres. Au niveau de la maintenance au contraire c'est un avantage...
Salut Serge,
je ne situais pas mon propos quant à la facilité de maintenance, mais plutôt sur le fait que ces moteurs ont été conçus à des époques où une puissance d'une trentaine de chevaux étaient encore le standard courant de ces motos.
J'estime (et comme toute opinion, c'est forcément subjectif) que ce type de montage est un handicap dans la course à la puissance de ce type de moteur.
Je sais que tes twins RE fonctionnent sans problème (et toi-même as-tu beaucoup travaillé pour les remettre en condition), mais il est également patent qu'à la conduite, tu respectes la mécanique et c'est en partie pour ça que tes moteurs tiennent le coup.
Je pense plus généralement que le vertical-twin "à l'anglaise" des années quarante est inadapté à la hausse de performances qui a évolué à la fin des années soixante pour tenter de dépasser le seuil critique des 50 ch.
Un vertical-twin calé à 360°sans arbre d'équilibrage, ça vibre énormément et plus on augmente la cylindrée, la taille et le taux de compression de ces moteurs, plus les seuils critiques de fiabilité sont tôt ou tard atteints. C'est là que je parle de handicap lié à la conception intrinsèque de ces architectures moteur.
Le problème de base, selon moi, c'est qu'on part de choix issus des années 30 : les anglais ont dédoublé des monocylindres sans revoir la conception de base fondée sur un carter en alliage à plans de joints verticaux surmontés de cylindres en fonte, avec des courses longues et des organes périphériques (pompe à huile, alternateurs, transmission primaire, allumages...) rejetés aux extrémités des soies du vilebrequin portées sur des roulements qui prennent forcément du jeu, le tout maintenu corseté par un faisceau de tiges filetées plus ou moins élastiques. Si on y ajoute des pompes à huile anémiques et des différences de dilatation dues à la coexistence entre des parties en alliage (matériau tendre qui se dilate) et en fonte (matériau dur qui ne se dilate pas), les limites de fiabilité finissent par être atteintes. Et quand les motards des années 70 cassaient leurs anglaises à force de tirer dedans ou bien parce qu'elles étaient mal montées d'origine (ça a d'ailleurs été ton cas avec ton Interceptor achetée neuve en 1962 ou 1964, je ne me souviens plus exactement), ils arrêtaient d'en acheter pour se tourner vers l'offre asiatique.
Pour atteindre la fiabilité "automobile" en allant chatouiller les 70 ch, les Japonais, les Allemands (avec les BMW à partir de la Série 5) et les Italiens avec Guzzi (à partir de la V7) ont adopté les méthodes de l'automobile, avec des montages à paliers lisses lubrifiés avec des pompes trochoïdes à gros débit, des transmission primaires plus compactes (et plus directes, roue dentée contre roue dentée), des carters monoblocs plus compacts et donc plus rigides, des blocs cylindres en alliage, des calages moteur moins violents que le 360°, le refroidissement liquide forcé, etc, etc... le tout fabriqué sur des machines modernes de haute-précision (amorties par les volumes énormes de production) pour lesquelles les britanniques n'ont pas investi.
Tant que leurs motos se vendaient bien aux USA, les Anglais ont partagé leurs capitaux avec leurs actionnaires et les patrons... et quand fut venu le seuil critique de tout revoir à la base pour passer à l'ère moderne, c'était trop tard. Alors ils sont bricolé leurs moteurs pour plus de puissance en restant sur des concepts d'avant-guerre... et au-delà de 50 ch, ils se sont ramassé la gueule !
Quand BMW a sorti sa série 5 en 1969, avec des cylindrées de 500, 600 et 750 cm3, les ingénieurs avaient tablé dès le départ sur une augmentation de cylindrée portée à 1000 cm3 et c'est ainsi qu'ils ont put tirer 70 ch de la la R 100 RS sans gréver la fiabilité. Ils ont exploité cette architecture jusqu'en 1996, avec la série 7.
Le V-twin Guzzi de la V7 de 1969 était également surdimensionné (imaginé à la base pour une petite voiture) et le développement de ce moteur a permis d'arriver à 1200 cm3 quarante ans plus tard, jusque sur la Norge 1200 de 2006 qui sortait 95 ch en étant capable de dépasser les 200 000 km.
Les anglais, quant à eux, dans les années soixante, ils augmentaient les cylindrées de leurs moteurs sur des bases conçues en 500 cm3 pour une trentaine de chevaux en restant quasiment sur des montages en vigueur pour les monocylindres des années trente...
Le meilleur moteur bicylindre vertical à air calé à 360° typé "british" que je connaisse, c'est le twin de la Kawasaki W 650 de 1999. Mais quand on regarde comment il est fait, on comprend pourquoi il passe le cap des 100 000 km sans autre entretien que les vidanges... et encore, lui aussi ne dépasse pas les 60 ch, même si il pourrait en supporter davantage. Avec la W 650 ou 800, on a un carter monobloc à plan de joint horizontal, un bloc-clindres en alliage et le vilebrequin engrène un arbre contrarotatif pour l'équilibrage et une commande d'ACT pour les 4 soupapes/cylindre par arbre et couples coniques.
C'est vers ce type de choix que les Anglais auraient dû se tourner, mais ils n'en avaient plus les moyens financiers quand la vague japonaise est arrivée à la fin des années soixante. Ils n'ont même pas réussi durablement à passer au multi-cylindres : quand on regarde l'empilage de bricolages que constitue un trois-pattes Triumph ou BSA comparé au quatre-cylindre de la CB 750 Honda, on mesure l'écart irrattrapable où étaient arrivées les marques anglaises. Alors que Triumph et BSA appartenaient au même groupe financier, leurs trois cylindres n'avaient quasiment pas une pièce commune pour leurs bloc moteurs ! Ils en étaient encore à usiner leurs blocs-cylindres fût par fût alors que les japonais usinaient leurs quatre alésages d'un seul coup dans le même bloc !
Chez Norton, la Commando en était encore au montage à boîte séparée reliée par des platines boulonnées, un montage issu de l'Atlas 750, moto déjà issue de la génération précédente !
Du côté des twin Matchless, les essais de vilo monobloc à trois paliers se terminaient par la casse des carters à partir du palier central !
Et chez Royal-Enfield, quand ils ont sorti la Constelation en 700 cm3, ils en ont chié aussi pour déterminer dans quels aciers ils devaient usiner leur vilo monobloc ! Là aussi, les essayeur ont explosé des motos avant de trouver ce qui fallait faire pour que ça ne casse plus !
Quant au montage des cylindres séparés typique des twin RE, ça va bien pour un twin 500 de 25 ch comprimé à 6,2 : 1... mais arrivé à plus de 700 cm3 et deux fois plus de puissance, ça devient critique ! Trop de goujons affleurant les bords de carters trop fins empilés les uns contre les autres, trop de tensions, des dilatations diverses dues à des amplitudes thermiques extrêmes !
C'est beau, c'est vraiment mécanique au sens noble du terme (et ça qui nous plait à nous, les mécanos amateurs et passionnés d'aujourd'hui), mais question logiques industrielles, c'était devenu intenable et l'Histoire l'a démontré.
Chez tous les constructeurs anglais, à chaque fois qu'ils ont voulu augmenter la puissance et la taille de leurs vertical-twin, chaque gain obtenu d'un côté fragilisant le reste, les essayeurs ont explosé leurs prototypes avant de sur-bricoler le montage initialement prévu ou bien de revoir leurs prétentions à la baisse.. tous !