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Retour de lecture : Overland to India - G. May

Posté : 21 mars 2019, 10:15
par Pierric
Couverture de la seconde édition de 2015 :

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La route des Indes depuis l'Europe a connu des hauts et des bas depuis la fin des années 1960. Même si ce type de voyage est un peu passé de mode à l'heure de l'asservissement généralisé au smartphone sous contrôle de l'angoisse médiatique comme instrument d'ingénierie sociale, Gordon May a eu la bonne idée de vouloir retenter l'aventure à la fin des années 2000 sur une Bullet britannique restaurée. Ce fut bien sûr l'un des attraits principaux de cette lecture en ce qui nous concerne.

Gordon May est avant tout un motard et un globe-trotter indécrottable. Ce récit n'a donc rien de "métaphysique" ou de "psychédélique", et si le livre est en anglais, il est rédigé dans un style simple et journalistique tout-à-fait abordable. Après une introduction sur l'acquisition et la restauration de sa Bullet (un modèle fabriqué à Redditch en 1953 et acheté en caisse en Nouvelle-Zélande), le récit est structuré comme un carnet de voyage, une journée représentant un chapitre, numérotés de 1 à 49. Le livre se conclut par l'arrivée à l'usine Royal Enfield de Chennai/Thiruvottyur, suivie de quelques pages sur les inévitables sponsors, quelques questions/réponses génériques sur ce types de voyages et trois ou quatre itinéraires alternatifs pour rejoindre l'Inde depuis l'Europe.

C'est un récit assez surprenant. On est d'abord surpris par la spontanéité de l'auteur, certaines différences culturelles entre auteur britannique et lecteur français peuvent même prêter à sourire. On réalise vite que Gordon est loin d'être un spécialiste de la mécanique moto ancienne, mais sa bonne humeur est communicative. On sent bien qu'il a rencontré d'inévitables "experts" et autres "raseurs" qui ont critiqué son entreprise mais cela ne l'empêche pas de prendre la route.

Le récit est assez détaillé et l'auteur fait preuve d'un flegme et d'une capacité à l'auto-critique qui peut sembler cliché mais qui est bien réelle. Le lecteur se retrouve plongé avec le motard dans l'aventure et l'auteur ne cherche absolument pas à s'inventer des péripéties. Une fois confronté à des pillards de la route qui ont abattu des troncs sur la voie, le récit de sa fuite est même tout en sobriété et en retenue.

Le seul point véritablement frustrant de ce récit, c'est le timing. Un lecteur attend forcément de ce type de livre une porte ouverte sur l'évasion d'un certain quotidien, d'un chronométrage robotique qui empoisonne désormais nos vies. Ici, on se retrouve à nouveau à courir avec Gordon après un hypothétique planning dont on ne comprend pas les enjeux. S'agit-il d'une question de budget ? De durée de visa ? On ne sait pas.
En Iran, pays forcément attendu au tournant dans ce récit, Gordon est invité par un homme du pays à venir dîner chez lui et à rencontrer sa famille. A notre grand effarement, l'auteur refuse "parce qu'il doit se coucher tôt et qu'il est déjà en retard dans son planning". L'auteur ne pense pas à mal (et ignore sans doute qu'il vient d'insulter son hôte dans un pays où l'hospitalité est un devoir et un honneur) mais vient surtout de rater ce qui fait de notre point de vue le sel des voyages : les rencontres et les opportunités inattendues. Au diable la moyenne horaire, qui sait quel site inconnu des touristes cet hôte aurait pu lui faire découvrir ? Dommage.

Côté Bullet à moteur fonte, ses détracteurs seront ravis d'apprendre que la seule panne enregistrée en 8000 kms fut un câble d'embrayage (et une fuite d'huile moteur sans gravité causée par l'inexpérience mécanique du motard en traversant l'Europe). Côté accessoires, Gordon nous semble avoir emporté au minimum le triple de ce qui était nécessaire (ce qui donne lieu à un passage assez drôle lorsqu'il rencontre un français sur une 125 sans papiers au Pakistan, venant du Népal et allant en Irak sans même des gants de moto). Par contre, les fameux crashbars tant appréciés des indiens ont montré toute leur utilité lors du seul accident répertorié, sauvant sans doute le conducteur d'une fracture de la jambe après un dérapage dans un banc de sable envahissant la route au Balouchistan.

Nous avons aussi apprécié la carte assez détaillé du périple en début d'ouvrage, et les reines du shopping pourront trouver tous les liens internet vers les accessoires sponsorisés en fin d'ouvrage. ;)


Enfin le prix : 9.95 £ Plus que raisonnable :super:

Re: Retour de lecture : Overland to India - G. May

Posté : 18 avr. 2019, 09:03
par Cipango
Chewie 2 a écrit :.......
En Iran, pays forcément attendu au tournant dans ce récit, Gordon est invité par un homme du pays à venir dîner chez lui et à rencontrer sa famille. A notre grand effarement, l'auteur refuse "parce qu'il doit se coucher tôt et qu'il est déjà en retard dans son planning"......


Gordon a, peut-être sans le savoir, été très poli.
En Iran, classiquement il faut accepter une invitation de la sorte à la 7ème fois qu’elle te soit proposé, j’ai entendu dire que actuellement ll faut refuser poliment seulement que trois fois !
Il est un devoir pour tout iranien d’inviter chez soi quelqu’un avec qui on a entamé une conversation cordiale après un certain moment, ils sont ‘’obligés’’ culturellement à le faire au moins une ou deux fois.
Bon a savoir, si un jour…

Malheureusement mon anglais est nul de chez nul, mais semble un récit plus qu'interessant.

Re: Retour de lecture : Overland to India - G. May

Posté : 18 avr. 2019, 12:21
par Pierric
Ce qu'il m'a semblé, c'est que cet iranien était assez aisé, et aurait été sans doute flatté - vis-vis du reste du village - que "l'étranger" lui fasse l'honneur de venir chez lui (et que ça ne relevait pas d'un simple réflexe culturel). J'imagine que le iraniens, comme n'importe quelles personnes au monde, ont conscience des différences culturelles qui les séparent des autres peuples, et ne font pas forcément les mêmes invitations à des iraniens ou à des étrangers...

Maintenant, si tu as une meilleure explication que moi sans avoir lu le livre, et bien, je te la cède bien volontiers.

Re: Retour de lecture : Overland to India - G. May

Posté : 18 avr. 2019, 17:54
par hourdek1
En tout cas, ça a l'air très compliqué et assez éloigné de notre conception occidentale (pour ce que j'en ai lu)
Le code de politesse iranien (ta’ârof) ou la fiction du lien social
https://journals.openedition.org/lhomme/24736

Re: Retour de lecture : Overland to India - G. May

Posté : 18 avr. 2019, 21:30
par Cipango
J’ai un grand ami iranien (on s’est perdu un peu de vue depuis quelques années) qui m’a beaucoup raconté de us et coutumes de son pays.
Il habite en France depuis plus de 40 ans, au début des années 80 il me disait qu’il passé son temps a expliquer a ses nouveaux compatriotes arrivant en France que si tu invites quelqu’un chez toi, ce quelqu’un peut accepter immédiatement, peut-être pour ne pas t’offenser.
Voilà un paragraphe extrait du lien qui vient de donner hourdek1:


‘’…..Cette générosité s’exprime tout d’abord dans les nombreuses invitations que le ta’ârof impose à tout moment aux villageois. Après toute rencontre ou salutation, chacun se doit d’inviter l’autre chez lui, par la simple expression : befarmâ’in khâne ! (« Je vous en prie [venez] à la maison ! »), à laquelle on répond par un refus poli suivi du retour de l’invitation. L’aspect extrêmement codifié de cette invitation se révèle par son très fréquent décalage avec la réalité du contexte.
…….. ‘’

Ceci explique cela, seulement un détail qui m’avait frappé de l’excellent compte rendu que tu as fait de ce livre ( hélas, illisible pour moi) et ma réponse avait l’intention aussi d’envoyer le post ver le haut du panier.