
Un fragment de portrait, ou Jacques vu par jean92
Bien présomptueux de vouloir faire le portrait de Jacques !
Les photos de Nelska sont belles, et nous montrent Jacques heureux comme un gamin, chevauchant la splendide anglaise qu’il a totalement révisée.
Le "physique" de Jacques est donc connu . Reste à parler de l’homme
Généralement , pour dépeindre quelqu’un, on parle de traits de caractère, ou de personnalité ! Bien malin qui pourrait dire connaître le caractère d’une personne après quelques rencontres (ou du moins bien prétentieux !)
Ce que je peux essayer de faire, c’est de décrire certains comportements observés chez Jacques, et si certains veulent jouer les "psy" amateurs et en déduire des éléments de personnalité, libre à eux….
Le premier contact
Pour moi, ce fut à Pont du Château, lors du premier rassemblement RoyalEnfieldlesite :
Une solide poignée de main franche et un regard direct. Donc un bon point pour moi, qui me méfie toujours un peu des mains moites et des regards fuyants…
Le coté jovial du bonhomme apparaît rapidement. Pas de blabla, on rentre tout de suite dans le sujet : la mécanique et les Bullets. Le langage est simple et Jacques essaye de se mettre à ma portée en prenant des exemples concrets…La pédagogie est présente à forte dose et ça me plait, car je veux apprendre et comprendre l’intérieur de la Bullet !
Ce qui m’a le plus frappé dans cette prise de contact : Jacques n’a jamais essayé de "montrer sa science" (les jeunes diraient qu’il "ne se la pète pas")
Jacques et la mécanique
Comme tout le monde sur le forum, j’ai apprécié la rapidité des réponses aux questions et interrogations que je pouvais avoir.. (en compétences professionnelles…ça s’appelle la réactivité)
Sa disponibilité est sans limite….Un exemple : un membre du forum l’appelle tard le soir pour lui demander les cotes de mâchoires de freins. Il en a vraiment besoin pour le lendemain matin. Jacques qui vient juste de remonter les deux roues de ma Bullet qu’il a en pension, se précipite dans son atelier et redémonte les roues pour fournir l’information à son pote….
Les cas sont multiples sur le forum ou Jacques a démonté des carters sur sa propre Bullet juste pour faire des photos explicatives pour un membre du forum en détresse…
Pour moi, c’est plus que de la disponibilité, c’est du dévouement….
Malgré toutes ses connaissances mécaniques (je parlerai des autres plus loin…) Jacques se braque devant les compliments …Il estime qu’il est en apprentissage permanent et qu’il continuera d’apprendre tant qu’il mettra les mains dans le cambouis
J’appelle cela une grande modestie !
Jacques et la culture
Après voir eu l’occasion de parler un peu avec Jacques, j’ai découvert qu’il avait bourlingué toute sa vie à travers le monde, pour son boulot, avec quelques périodes un peu plus longues d’immersion dans divers pays d’Europe de l’Est et en Afrique noire..
Là je me suis dit qu’il était "presque normal" qu’il sache autant de choses, qu’il parle plusieurs langues, (dont bien sur la langue d’Oc de sa région d’origine)..
Mais je me suis rendu compte que Jacques avait de profondes connaissances sur de nombreux sujets et qu’il s’intéressait à tout ! Les livres qui sont légion dans sa demeure témoignent de sa soif de parfaire ou d’étendre ses connaissances ….
A plusieurs reprises, j’ai été pris en flagrant délit de "non connaissance" …Jacques me disait, "tu sais, Machin, ce politicien qui…" ou "tu te souviens quand ….." et moi, je ne savais pas de qui il voulait parler….alors Jacques gentiment enchaînait pour ne pas m’embarrasser…
Cultivé certes, mais en aucun cas "m’as tu vu" !
Et moi de l’écouter pendant des heures, aussi captivé et attentif que des villageois africains autour d’un conteur ou du sage du village…
Pour ceux qui sont dans de "grosses boites", cette compétence très recherchée s’appelle "avoir l’esprit curieux"…Jacques est ouvert à tout point de vue argumenté…il pose des questions précises pour comprendre, échanger et même faire évoluer sa propre opinion s’il découvre des éléments qui confortent une autre thèse….
Jacques en privé
J’ai pas mal vécu et bourlingué ….et j’ai rencontré des tas de gens du style "on s’appelle et on fait une bouf"…ou "n’hésite pas à m’appeler si…."
Et le jour ou cela arrive, devinez ce qui ce passe…
Jacques c’est exactement le contraire…
Je suis resté deux demi-journées et une nuit chez Jacques et son épouse…et sa chienne.(celle qui m’a aidé à convaincre Jacques d’accepter une dernière moto à réparer…)et je dirai simplement que l’expression "offrir le gîte et le couvert" prend tout son sens chez les Ducros…Je me suis senti "en famille" , très à l’aise, alors que c’est tout à fait inhabituel pour moi, plutôt vieil ours taciturne !
Une autre chose m’a frappé…c’est une anecdote qui en dit long sur la façon dont Jacques appréhende la nature ….Tôt le matin, dans le jardin, Jacques trouve un escargot dans les plantes de son épouse….je l’entends parler à l’escargot, avec son accent du sud…."Ho là, si ma femme te trouve ici couillon, tu vas passer un mauvais quart d’heure"….et Jacques de le prendre délicatement pour procéder à son transfert vers des lieux moins sensibles…
Idem pour une "petite" couleuvre qui vit près de sa grange…je l’ai vue !! c’est tout juste si Jacques ne fait pas un crochet pour ne pas la déranger quand elle somnole au soleil !!!
Un autre point, plus délicat à aborder : l’argent. Je tiens à préciser que Jacques a fait toute les réparations de ma moto sans aucune rétribution pour son travail. Quant aux pièces, la transparence totale est de mise…et Jacques insiste pour fournir les factures des pièces achetées !!!! Je reste d’ailleurs persuadé qu’il en est "de sa poche" pour les divers produits de nettoyage et autres joints ou colliers qu’il fournit sur son propre stock.
Effaré (mais heureux néanmoins...) de voir l’ampleur des révisions effectuées par Jacques, j’ai bien sur fait le forcing pour qu’il accepte au moins un petit cadeau pour me " déculpabiliser"
Il a fini par céder…et devinez ce qu’il a choisi ? un Palmer (comparateur micrométrique) afin qu’il puisse réaliser avec plus de précision les réglages des motos qu’il soigne. No comments !
J’ai oublié de mentionner que chaque jour, pendant la cure de jouvence de ma belle, je recevais un rapport détaillé de ce qui avait été fait, et des tas photos.
Un peu plus que ce qu’on appelle "la conscience professionnelle" !
Et là c’est un scoop : Quand j’ai demandé à Jacques pourquoi il prenait la peine de tout photographier…il m’a dit que dès qu’il aurait raccroché les gants, il mettrait les photos triées de ses démontages à la disposition de tous sur le site, pour que son travail serve aux générations futures.
C’est tout ça, Jacques.
Encore un fois, il ne s’agit ici que de ce que j’ai pu observer.
Pour résumer ce qui m’a le plus ébloui chez Jacques, je citerai John Steinbeck (A l’est d’Eden)
L’esprit libre et curieux de l’homme est ce qui a le plus de prix au monde.
Mon seul et réel regret dans toute cette aventure, c’est de ne pas pouvoir renvoyer l’ascenseur à Jacques qui fatigue malgré tout…avec tout le boulot qu’il a faire, en plus de la mécanique : chape en béton pour installer la maison des chèvres, crépi du pignon de sa dépendance, clôture à finir, etc
Je l’ai vu enfoncer les piquets de la clôture avec une masse traditionnelle de quelques kilos…..sur laquelle était soudés de part et d’autres deux énormes marteaux de 2 kg chacun…incroyable !
J’arrête là et laisse la place à ceux qui ont approché Jacques et qui veulent compléter le portrait
Encore merci à toi, jacques, d’avoir accepté une dernière Bullet avant de raccrocher et m’avoir fait vivre une expérience passionnante.
la réponse de Jacques
Hé bé putaing !
Je pourrais écrire "je ne sais pas quoi dire" et boire tout cela comme du petit lait.
Il s’en va temps que je vous envoie le CV du bestiau et vous verrez qu’il n’y a pas de quoi faire un prix Nobel.
Je dis cela pour déconner, mais il n’y a pas de quoi faire un roman avec ma vie.
Je suis un mécano sans plus, tous les mécanos savent faire ce que je fais.
J’ai le pot d’être retraité et d’avoir assez cotisé dans ma vie pour ne pas devoir travailler encore pour faire bouillir la marmite familiale.
J’ai pu parler de plein de choses avec Jean et parfois aborder des choses qu’il n’avait pas eu le temps de lire, moi j’étais salarié et avait plus de temps que lui pour prendre un bouquin.
Mais je suis un peu comme une chasse d’eau de WC, ce truc met très longtemps à se remplir par rapport aux quelques secondes qu’il lui faut pour envoyer un flot très important, ensuite le truc est à sec, il n’y a plus rien à en sortir, il faut attendre que le réservoir se remplisse à nouveau, j’ai mis plus de 64 ans à le remplir, c’est dire qu’il ne sera plus jamais re rempli.
Jean a vendu la mèche, sa moto est la dernière que je peux accepter car je me dois à ma vie de famille.
Cette moto m’a permis de « progresser » comme chaque fois que n’importe qui fait un travail.
Il me restait à savoir rayonner les roues, je l’ai presque fait avec celles de Jean puisque les rayons étaient un peu détendus devant et très dévissés derrière (au point que la jante faisait un bruit mat lorsqu’elle entrait en contact avec le sol). J’ai retendu les rayons et suis arrivé assez facilement à faire tourner tout cela très rond.
Après être arrivé à centrer les vilebrequins a un ou deux centièmes et parfois moins, je pense être arrivé à faire le tour des choses que je n’avais pas encore faites dans ma vie.
Reste à maîtriser parfaitement les caprices des Bullet et là, trois vies de plus n’y suffiraient pas.
Par exemple la bielle de Jean présentait un contact important d’un côté du pied de bielle avec un des bossages du piston. Ce piston Hte compression, mais pas forgé, n’avait pas de sens de montage (avant ou arrière). Le hasard a fait que le piston avait un bossage plus épais de quelques dixième d’un côté que de l’autre, le hasard (encore lui) a fait que ce bossage plus épais se soit trouvé du côté où la bielle était un peu déportée vers le côté droit à cause du maneton insuffisamment enfoncé dans le volant gauche dû à un mauvais montage d’origine, (les années 1991 1992 n’étaient pas les meilleures dans les chaînes de montage indiennes). Le volant droit du vilebrequin entrait en contact avec la piste externe du Rlt NU 205 de droite.
Alors qu’est-ce qu’ils vont inventer d’autre pour nous faire évoluer dans la recherche des malfaçons ?
Ceci dit, le plus gros défaut de la moto de Jean résidait dans le pignon 17 dents qui maintenait le moteur en sous régime, ce défaut est très emmerdant avec la 350 car on est obligé de très souvent reprendre la troisième. A cause de cela, la quatrième bien que prise directe, devient une « fausse surmultipliée » à cause du « trou » entre 3è et 4è.
La moto de Limobull est confrontée un peu à ce problème avec son pignon de 18 dents, mais là il s’agit d’une 500 cc avec une Bte 5 vitesses parfaitement étagées, là il suffit de repasser la 4 è au moment voulu.
Autre chose qui n’a rien à voir avec les Bullet, un jour je vais faire « le combat de trop » comme on dit pour les boxeurs, mais ce n’est pas moi qui irais au tapis ce sera un copain qui se cassera la gueule pour un truc que j’aurai oublié de serrer et là ?
Ceci dit ce qui précède n’est pas un testament et je ne suis pas encore mort (enfin je ne crois pas, car à mon âge on n’est jamais sûr de rien).