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Gros Trip Enfield dans le Ladakh
Voyage au bout de l’Asie

Le récit d’un périple en auto-stop au Népal, en camion en Inde, en moto dans l’Himalaya, à pieds en Indonésie, en pirogue au Laos, à la nage en Thaïlande ! Une aventure poétique et pleine de rebondissements, source d’inspiration pour vos prochains road-trips !

Article mis en ligne le 4 septembre 2009
dernière modification le 3 septembre 2009

par DeuxBecs

La route est vide, nous progressons le long de la vallée de l’Indus en direction du sud est, du jaune dans la face, traversant les oasis qui s’éveillent à mesure que s’élève le disque de platine, là, accouché de l’Orient. A Karu, changement de décors : nous pénétrons les montagnes, et l’ascension continue de notre sauvage équipée nous mène Chang La, le 3ème plus haut col du monde. Les monastères parsemés le sont de plus en plus, le désert croît. Nous faisons étape aux alentours de Tsoltak pour un petit déjeuner au lassi de yak, le trip est excellent.

La reprise est presque difficile mais, nous le savons, nous devons nous hâter si nous voulons atteindre Spangmik à temps : la crue quotidienne d’une fleuve pourrait nous en barrer le passage.

C’est donc suivant un rythme soutenu que nous passons les check points successifs qui devaient nous conduire à la frontière du Tibet, dont nous pourrons admirer les sommets de l’autre coté des 130 km du lac, au cœur d’une zone franchement interdite clairsemée d’une torpeur militaire à laquelle nous devrons goûter pour un café.

Sauf que Rouge décide de crever à Tangtse, village irradié par le soleil au milieu des dunes d’un sable sec et blanc, alors que je prenais un étudiant bouddhiste se rendant à son monastère. Rien de grave, un flic nous reçoit chez lui et m’offre le thé, auquel se joignent bientôt les deux blancs becs. Il m’indique le garage du village. Décidément, nous sommes vernis, les prunes surviennent toujours au moment le plus opportun. Les choses ne se déroulèrent cependant pas comme je l’aurais souhaité.

Le garagiste que nous trouvons après avoir pas mal tourné nous informe de l’impossibilité de réparer la chambre à air, la valve étant arrachée. De surcroît, il ne dispose pas de la pièce. Que faire ? Une solution providentielle nous vient à l’esprit : s’il est trop tard pour traverser le fleuve aujourd’hui, qu’à cela ne tienne, nous ferons venir une chambre à air de Leh par les Jeeps qui font quotidiennement le trajet. Nos estimations veulent qu’à 11h00 du matin nous disposions de la pièce et qu’à 12h30 nous soyons au fleuve. Il nous suffit donc de téléphoner à notre location de motos, et le tour est joué. Nous n’avons pas le numéro. Heureux hasard, j’ai celui de Stéphanie, qui devient instantanément notre seul espoir.

La mission comporte 3 volets :
- ou bien la joindre et lui demander de mettre la pièce dans une jeep à destination de Pangong lake
- ou bien réparer notre pièce
- ou encore en acquérir une neuve.
Nous abandonnons Rouge devant le garage, je m’installe dans un café, les deux British partent en quête.

En résumé, nous sommes coincés dans un bled sans lignes téléphoniques et sans réception pour les mobiles. James et Ben iront quérir chez les militaires un coup de fil ou une pièce, sans succès. D’après le récit qu’ils m’en firent, ils se retrouvèrent à parcourir des ateliers bourrés d’hommes luisants d’une sueur dorée, soulevant des poids saillant leurs muscles bandés comme dans un film pour adultes. Une étape administrative les éconduit : no autorisation. Pas moyen de squatter un des téléphones que les militaires utilisent pour appeler leur sainte famille, assis en rang d’oignons dans un cachot gris, saturés d’excuses fallacieuses qu’ils font à leur femme pour avoir une vie aussi « austère ». Les mécanos ne bossent que sur de gros engins, ils ne manient que les machines les plus viriles de la route, ils n’enfilent que de gros boulons sur de gros écrous. Nous sommes foutus.

Ben tente encore quelques pistes pendant que James et moi bâtissons un empire d’idées nourries de considérations politiques, sociales, presque philosophiques. Le micro climat de Tangtse nous suce de grosses gouttes de transpiration et échauffe nos méninges tergiversées.

Nous localisons un paradis d’herbes épaisses sur un terrain plat au bord d’une rivière paisible – quoi de plus naturel, au milieu d’un désert ? – en face d’un campement de jeunes filles médicinales dont nous ne souillerons pas la pureté par nos rêves d’essence, de graisse et de caoutchouc.

Une expérience éminemment poétique se produit alors que nous sommes attablés autours d’un repas chaud : je saisis une allumette ébréchée et décide de la craquer malgré son handicap. Elle expose d’une flamme gigantesque et s’éteint aussitôt, comme un court feu de paille. Je suis sur le point de la jeter dans le cendrier quand elle reprend vie dans un second souffle inespéré. Cette réignition subite est-elle le signe d’un destin de phoenix qui nous appelle ? Connaîtrons-nous le second feu qui fut insufflé dans le bois de cette allumette comme si quelque chamane lui avait murmuré trois mots choisis par-dessus mon épaule ? A cet instant, nous nous savons dans l’œil du cyclone. Mais le lendemain ne peut repartir comme un feu subtil, à moins d’un miracle.

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