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Un bien beau sauvetage
Article mis en ligne le 15 octobre 2007

par Cose

"Un bien beau sauvetage"...

...Celui d’une moto considérée comme totalement hors service.

Cette page est l’oeuvre de Jacques dont l’expérience en mécanique est remarquable.

Remarquable aussi le travail photographique qu’il a fait pour notre site.

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Il faut faire sauter ce qui se fige, ce qui pèse et qui s’installe.

Persévérer dans la percée.

Ne pas craindre le chagrin d’une ébréchure.

Renverser père et mère pour le bonheur d’une ascension.

Martine le Coz (Femme de lettres et graphologue française Née en 1954)

Mais laissons Jacques nous raconter l’histoire....

Bullet 1992

Depuis quelques temps j’étais attiré par la "gueule" typique des Bullet, mécano de profession

j’ai un faible pour le 4 temps,

étant pragmatique je ne vois pas l’utilité d’avoir un monstre équipé d’un moteur de formule 1

dont on ne peut se servir

ailleurs que sur un circuit. Mais, pas moyen de trouver une Bullet d’occasion dans mon coin.

J’ai trouvé cette Bullet

de 1992 chez un motociste où elle avait été échangée contre des pièces de BMW.

Le prix 610 € était (je crois) correct, la machine avait des pneus

en très bon état, les garde-boue chromés,

avait sa carte-grise normale.

Explication du bas prix :

le bas moteur était explosé suite à la rupture de la bielle, celle-ci cassée 20 mm sous l’axe de piston avait défoncé les deux demi carters brisant au passage le bas du cylindre qui pénètre profondément dans le carter, ainsi que le bas du piston.

Le haut moteur était démonté en partie, tous les morceaux étaient présents.

Seul hic, je n’ai pas pu rencontrer le précédent propriétaire pour me faire expliquer la casse moteur

qui remontait à 1996 d’après le dernier papillon d’assurance collé au garde-boue.

Avant d’acheter la machine j’ai demandé le prix des pièces chez Hitchcocks motorcycles,

le prix des carters (près de 896 € TTC) rendait l’opération financièrement suicidaire.

J’ai pu trouver un moteur d’occasion chez Trophy.

J’ai un peu attendu car en pleine période du Salon Jean de chez Trophy était un peu surmené.

Entre-temps j’avais acheté la Bullet et fait l’autopsie du moteur.

J’ai constaté que le moteur n’était pas "coulé" par mauvais graissage

car la tête de bielle n’avait pas de jeu et n’était pas grippée sur le vilebrequin,

je me suis régalé à démonter cette mécanique très simple qui ne demande que très peu d’outils

spéciaux (en fait seul l’arrache pignon de distribution

ref 98001 et la bague de centrage ref 2074 sont nécessaires) le reste

peut être fabriqué avec une scie à métaux, une perceuse et une lime.

A force de faire une autopsie digne du meilleur "Navaro"

j’ai trouvé la cause de la casse du moteur, le piston était intact jusque

en dessous de son axe, les segments étaient intacts, les segments supérieurs

avaient un jeu de 0.15 à 0.20 mm dans le cylindre,

par contre le segment racleur était monté non seulement sans jeu, mais tellement

serré que remis dans le cylindre il fallait frapper

au maillet sur le piston pour le faire glisser dans le cylindre.

Comme la machine n’avait roulé que 10.200 km je ne comprends pas pourquoi

il a fallu changer les segments, ce qui est sûr c’est que des segments

d’une autre origine ont été montés, peut-être des segments prévus pour la première cote de réparation

(84,5 mm) ont été approvisionnés et mal ajustés.

La bielle n’a pas pu faire descendre le piston au démarrage

(en remorque je suppose) et elle a préféré casser.

J’ai acheté les pièces nécessaires chez Hitchcocks motorcycles England

(rapide, paiement sûr, d’ailleurs ma banque m’a débité le montant le jour où le colis

est arrivé chez moi).

Pour les pièces courantes (roulements et joints spy)

je les ai achetés dans le commerce automobile et industriel.

La moto entièrement démontée est restée en attente de la fin d’autres travaux,

j’ai juste fait quelques petites repiques de peinture sur le cadre.

J’ai fait réviser la culasse qui avait une soupape tordue.

Le vilebrequin "Trophy" s’est avéré en très bon état et déjà monté sur des roulements anglais.

(mais les roulements indiens trouvés sur le moteur cassé étaient eux aussi en bon état,

ainsi que les roulements des roues que j’ai systématiquement remplacés par des roulements de type étanche Z

(flasque tôle).

Entre temps j’avais confectionné les outils facilitant le travail sur

l’embrayage, outil pour bloquer le moyeu d’embrayage, extracteur pour ce moyeu,

outil pour bloquer la transmission primaire et débloquer ou bloquer l’écrou du rotor de l’alternateur.

Bague de centrage du carter primaire sur l’arbre d’embrayage

Tous les goujons des carter (tiges filetées aux deux extrémités) et dont une de ces extrémité

est vissée dans le carter, ont étés nettoyés à l’acétone et à l’air comprimé avant de recevoir

du liquide Loctite 277 fort, ce produit polymérise par manque d’air, dès que le goujon est vissé

dans le carter une réaction se déclenche et le dévissage devient possible mais très difficile

j’ai de même pour tous les écrous des goujons qui tiennent les carters ensemble et

qui ont un écrou à chaque extrémité, un des écrous a été freiné au Loctite 277. ("Qu’est ce que le loctite ? click ici.")

J’ai remonté le moteur après avoir testé l’étanchéité entre le

compartiment réservoir d’huile et carter de vilebrequin des carters (car j’ai lu quelque part

que sur certains modèles il y aurait eu des problèmes

de soufflures de fonderie rendant les carters poreux, j’ai donc fait un test à 3 bar de pression d’air

et le carter plongé dans un bac d’eau, mais tout était ok...

Remontage du moteur sans aucun problème, les roulements doivent se monter après avoir

chauffé chaque carter ...

(ne pas suivre la méthode donnée sur certains sites qui conseille de frotter les pièces au savon de Marseille

et de chauffer jusqu’à ce que la couleur du savon vire subitement au noir d’encre,

la température atteinte est trop élevée et le traitement thermique des roulements n’existe plus,

vos roulements ont la qualité du fer à ferrer les ânes) pour les roulements

il ne faut pas dépasser 100 °C et faire une chauffe régulière avec une lampe à souder

ou un brûle peinture à air chaud.

La repose du vilebrequin sur le carter gauche ne pose pas de problème.

J’ai contrôlé le lignage du vilebrequin, il y avait 0,05 mm de faux

rond, je l’ai déposé pour faire retoucher son lignage, je me suis

renseigné pour le faire équilibrer, la société contactée par le web

ne m’a jamais répondu (car j’avais précisé qu’il s’agissait d’un Bullet) renseignement pris

sur leur site je me suis rendu compte que leur activité consiste à gonfler des moteur genre

"Super Motard", d’autre part le prix d’un équilibrage dynamique est

plutôt musclé, je n’ai donc rien fait de plus que faire effectuer le lignage.

Le joint inter carters doit être monté à la pâte hypalon bleue (click ici pour tout savoir sur la pâte hypalon)
 !ou tout autre produit de qualité, ne pas trop en mettre et essuyer immédiatement après serrage

les bavures à l’acétone.

Poser le piston et le cylindre sans les segments afin de vérifier le bon coulissement du piston,

mesurer avec un jeu de cales

d’épaisseur le jeu entre cylindre et piston à droite et à gauche et cela lorsque le piston est à mi-course

si le jeu de cales 0.1 mm

ne peut pas passer cela peut provenir de la bielle qui n’est pas d’équerre avec le maneton du vilebrequin,

il faut corriger

avant d’aller plus loin.

Puis j’ai posé les segments et tout le haut moteur.

Distribution :

le rodage des tiroirs (pump disc) des pompes à huile doit être fait très soigneusement

et vérifié au bleu de Prusse pour voir la portée dans son logement. (voir les trois photos ci-dessous)

Petite histoire du Bleu de Prusse click ici

Des traces de vernis qui se détachait un peu étaient présentes à l’intérieur du carter de distribution,

j’ai foré dans tous les trous d’huile du carter pour éviter des obstructions futures.

Avec un comparateur j’ai déterminé les points morts haut et bas et je les ai reportés sur le rotor

de l’alternateur face à un point fixe lui-même fixé au stator de l’alternateur grâce à deux trous de

ce stator qui sont inutilisés. Avec un tracé effectué sur une feuille de papier à l’aide d’un rapporteur

d’angles j’ai tracé des repères correspondant aux angles du diagramme de distribution et aux 10°

d’avance statique et aux 32° d’avance totale "pleine avance", puis j’ai reporté ces repères sur le rotor

au moyen de marques de stylo indélébile tracées sur le rotor lui-même enduit aux endroits voulus

avec du TIP-EX (correcteur liquide).

J’ai pu constater que les repères d’origine des pignons de distribution correspondent bien

à la réalité du diagramme de distribution

(avec les culbuteurs réglés à 0,3 mm pour le réglage). J’ai ensuite effectué

le calage de l’allumage et constaté que le jeu total de la cascade de pignons provoque un jeu de

2°12’ d’angle sur l’arbre d’allumeur et donc de 4°24’ sur le vilebrequin.

Mais ensuite avec le moteur en route j’ai contrôlé au stroboscope, l’arbre de l’allumeur reste bien

à 10° d’avance initiale et ne prend pas de libertés avec la position voulue

(je veux dire par là que l’arbre d’allumeur ne ballotte pas dans cette plage de 2°12’ ce

qui aurait pu faire varier son avance de 10 à 14°12’, le contrôle au stroboscope a été effectué

au ralenti puis au régime juste suffisant pour faire se déployer les masselottes de l’avance

automatique qui amène le point d’allumage à 32 degrés avant le point mort haut,

mais je ne sais pas ce qui se passe si on pousse le régime à fond, il se peut qu’il y ait

des cafouillages dus à un rebondissement des dents du pignon de l’arbre de l’allumeur

faisant passer l’avance maxi de 32 à 36 degrés

L’avance totale est bien de 32° mais elle se déploie très vite dès que l’on accélère un peu,

il y a peut-être un problème de tension des ressorts des masselottes du système d’avance.

La boîte de vitesses était déjà remontée depuis des semaines, à ce moment-là

je n’avais pas encore d’appareil numérique, je n’ai donc pas pris de vues,

mais ce truc est très simple, seul le réglage des cliquets de sélection demande de l’attention.

J’ai rempli la mienne avec 700 grammes de graisse spéciale vendue chez

Hitchcocks motorcycles England, puis j’ai complété avec de l’huile de pont arrière SAE 90 EP

(EP pour extrême pression, mais ce n’est pas nécessaire).

La repose de la transmission primaire, de l’embrayage et de l’alternateur ne présentent pas de difficultés

il faut seulement faire

attention au sens de montage et à la position des différents disques de l’embrayage.

Avant de serrer les trois écrous de fixation du rotor de l’alternateur j’ai introduit 4 cales d’acier

diamétralement opposées entre

le rotor et le stator afin que ces deux pièces soient bien concentriques.

Le démarrage n’a posé aucun problème, j’ai eu ensuite quelques peurs avec le circuit

de graissage qui débitait trop peu (débit constaté dans les poussoirs "Tappets",

puis mesuré en dérivant la sortie d’huile destinée aux culbuteurs vers une

éprouvette de mesure et avoir adapté une burette sur le tuyau des culbuteurs pour lubrifier

ceux-ci durant les cinq minutes qu’à duré la mesure du débit d’huile

Voir deux photos ci-dessous.

A cause d’un carter de culbuteur mal usiné le jeu entre l’arbre des pompes "Spindle" et

le carter (côté pompe "FEED") était de 0,36 mm et de 0,12 mm sur le carter fourni par Trophy.

Le simple changement de carter a augmenté le débit qui est de 16,6 à froid

et de 18 cm3 à chaud (temp de l’huile 41 °). Mais j’ai préféré commander chez

Hitchcocks motorcycles England des pompes à débit augmenté de 50%,

pour obtenir une plus grande circulation.

Le circuit électrique a été totalement refait, j’ai supprimé le maximum de connections entre les fils,

mais le système de connecteur employé est très fiable dans la mesure où le caoutchouc d’isolation

est encore en bon état, mais la durée de vie semble assez longue. J’ai posé des fils plus gros 4mm²

entre la batterie et la masse. 1,5 mm² pour les autres circuits.

Beaucoup de fils d’origine étaient mécaniquement abîmés au voisinage de la direction,

d’autres fils étaient brûlés et rafistolés à la diable, d’autres fils avaient frotté sur le pneu arrière

(juste à côté du coffre à outils gauche) j’ai dû faire un petit trou à l’avant du garde-boue arrière

et placer un collier plastique et ainsi

empêcher le faisceau partant sous le garde-boue d’aller frotter sur le pneu AR.

Faute de trouver des fils de toutes les couleurs, j’ai numérotés les fils sur des

photo copies du schéma et étiqueté les fils sur la machine cela fait un peu

fouillis mais quand on l’a fait soi-même on s’y retrouve très bien

(enfin, on ne cherche pas trop)

Le système du fusible unique de 20 A alors que des parties du faisceau sont faites avec des fils de 0,75 mm² risquent

d’entraîner des problèmes.

J’ai dû rajouter 9 fusibles FKS ...

...placés dans des porte-fusible maxifuse ref 303 (ou 330) pour

différentes parties du faisceau, le code et le phare ont chacun un fusible afin de ne pas

avoir de "trou noir" si un fusible fond. J’ai aussi posé trois relais : un code, un phare, un klaxon,

ces trois organes consomment beaucoup (code ou phare 4 à 5 A chacun, klaxon jusqu’à 10 à 12 A),

les contacts de commandes du comodo sont très petits et peuvent griller avec de telles intensités,

la bobine d’un relais ne prend que 0,2 A, le contact du comodo n’est plus surchargé.

Pour "fiabiliser" j’ai monté une centrale clignotante européenne à la place de la

centrale MINDA indienne qui était encore bonne

(heureusement qu’elle était encore bonne car l’européenne a duré trois jours avant de rester allumée

en permanence et de partir dans la poubelle d’où elle n’aurait jamais dû sortir)

la centrale Minda bonne fille a repris du service et assume, voilà qui remet les pendules à l’heure à propos de la pacotille.

Tout n’a pas été sans surprise : Moteur terminé, prêt à verser l’huile dans le moteur,

je referme la trappe des poussoirs "tappets" confiant dans le filet rapporté "Hélicoîl"

arrivé sur le moteur d’occasion je serre la vis centrale et je sens que "ça vient", dépose de la trappe

et je constate les dégâts : le filet rapporté 8x125 a fait éclater le carter qui vient de lâcher.

Il n’y a pas trente-six solutions, soit je re démonte le carter droit pour faire souder un emplâtre,

soit j’essaie une pâte miracle (il y en a de très bonnes telle celle employée par Paul

pour réparer son carter primaire interne) mais je n’en ai pas sous la main.....

Alors je décide de faire une bride qui se placera

à l’intérieur de l’encadrement de la trappe et permettra au serrage

de prendre l’encadrement de la trappe en sandwich entre la trappe et la bride

tout c’est bien terminé mais j’ai eu chaud .

La révision est maintenant terminée

j’ai dû rouler un bonne centaine de kilomètres, mais les giboulées de mars me gênent un peu.

Note du ouaibmastair :

"La passion doit être punie. Ah oui ? Quel est le c... qui a dit ça ?"

Philippe Sollers (écrivain contemporain)